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Mes valeurs d'artiste

« ce qui fait que nous sommes qui nous sommes aujourd'hui, c'est tout ce qui nous compose depuis notre naissance »

Le 9 février est mon jour préféré de l’année, même s’il ne s’y passe rien de plus que les autres. J’ai des parents divorcés, comme presque tout le monde aujourd’hui. J’ai un grand frère et un demi-petit frère. Je n’ai pas parlé à mes parents ni à mes frères pendant de nombreuses années. C’était le chaos : violences et colères. Je me battais tout le temps avec tout le monde et mes relations étaient très compliquées. J’étais suivie par un psychiatre. Au fond de moi, une voix me disait : « Bianca, un jour tu auras ton prince charmant, tes enfants et ta maison », alors j’y ai cru, le plus possible.

Kedge Business School, programme IBBA avec expériences à l’international. LE RÊVE : je vais me barrer ! À côté, depuis mes 18 ans, je travaillais dans la restauration : livreuse Sushishop, serveuse, barmaid. Et j’ai aussi beaucoup, beaucoup fait la fête.

Césure pour partir apprendre l’anglais et surtout partir loin. J’ai continué à beaucoup faire la fête et je trouvais difficilement du travail à cause de mon faible niveau d’anglais. Je suis partie vivre à Narrabri, une ville de 7 000 habitants dans le bush australien. J’ai vécu chez un couple, pour m’occuper de leurs 17 chevaux, 4 chiens et 3 chats pendant plusieurs mois, puis j’ai voyagé. J’ai rencontré mon premier amour là-bas et j’ai failli tout plaquer pour y rester vivre.

Je suis partie 6 mois. J’ai beaucoup visité, j’ai adoré les musées, la ville, les amis sud-américains… Et puis j’ai commencé à comprendre que j’aimais vraiment l’art. Je vivais dans un quartier où régnait le street art. Je me souviens : je vivais à Palermo et je passais souvent près d’une grande fresque représentant Frida Kahlo. J’adorais aller dans le quartier de la Boca, où l’énergie débordait de couleurs et d’art. J’ai commencé à faire de la photo.

Une expérience d’une année entière, incroyable mais aussi un réel choc. Quelle vie vais-je découvrir ? On ne sait pas à quoi s’attendre là-bas ? Ça paraît si secret. La ville est somptueuse, l’atmosphère étrange et froide à la fois, les gens qui se rebellent en silence, les soirées technos d’un niveau artistique et visuel jamais encore expérimenté. Les musées, l’histoire, les habitants de Moscou. Je me suis dit qu’il fallait que j’en vois le plus possible et j’ai eu mes premiers vrais coups de cœur artistiques. J’observais beaucoup. J’imaginais la vie des gens que je voyais dans la rue. Je m’interrogeais sur leur état d’esprit face au monde. Parfois, je sortais et je voyais un homme avec une Kalashnikov dans les mains, jetant un regard noir, signe de ne pas le regarder. Ou bien, je ne savais pas de quel côté doubler celui devant moi, qui titubait et manquait de tomber dans la neige à chacun de ses pas, faute d’un taux de vodka trop concentré dans ses veines. Ou alors je marchais dans la rue, direction le métro : c’était rempli de monde, mais on n’entendait pas un bruit, personne ne parlait. Et cette fois où l’on nous a coupé Internet pendant 48h : plus aucune connexion avec le reste du monde en dehors du territoire russe. L’être humain et son histoire me fascinaient, mais je ne me sentais pas très libre là-bas.

Dernier échange universitaire. J’expérimentais encore une autre culture après l’Australie, l’Argentine et la Russie. Je pensais que j’avais de la chance, que je me sentais beaucoup plus libre que dans tous les pays que j’avais visités. Je me concentrais surtout sur mes études : j’avais choisi la spécialité Master Logistics and International Management. Le niveau était très bon et je voulais me spécialiser là-dedans, j’en étais sûre. À côté, j’étais fascinée par la beauté architecturale, les marchés, les étalages en tout genre, la vie dans les rues. Je prenais beaucoup de photos. Mon œil était attiré par les couleurs ocres et orangées de la Médina où nous vivions, contrastées par les verts de la nature sauvage. J’y suis restée 6 mois.

En janvier 2020, je terminais par un stage en entreprise dans une boîte de logistique de transports réfrigérés. J’aimais bien mais mon maître de stage me disait souvent : « Bianca, tu travailles bien, mais j’ai le sentiment que tu vas trouver ta voie ailleurs. »
Je passe les examens pour entrer en Master Logistics. Je suis refusée car j’ai répondu à la question « Où vous voyez-vous dans 10 ans ? » par « Je ne sais pas, vous savez, la vie est pleine d’aventures et d’opportunités et je suis sûre que dans 10 ans je serai là où il faudra que je sois. » Je pensais avoir bien répondu, j’étais dégoûtée. Je commençais à perdre le regard coloré des souvenirs de mes voyages. Je ne pensais même plus à créer : j’étais focalisée sur mon parcours professionnel.

Je retourne chez ma mère, je passe mon confinement dans une chambre, je n’en sors presque pas. Je n’avais rien à faire : on nous avait tous donné nos stages faute du Covid, j’étais donc diplômée de mon programme mais je n’avais pas de travail. Et comme tout le monde, je ne savais pas quand cela allait se terminer. Alors j’ai trouvé des occupations : j’ai commencé à me peindre le corps, peindre sur papier canson, créer des vidéos artistiques, monter un projet fictif de chaussettes artistiques, faire du sport… Mes relations ne vont toujours pas très bien, j’ai toujours une grande haine intérieure et un sentiment de solitude profond. Je tombe en dépression. Je me dis même plusieurs fois que la vie est trop dure.

Après le confinement, j’ai trouvé un travail dans la logistique et les transports internationaux. J’affrète des conteneurs dans le monde entier. Je vis seule dans un appartement à la Pointe Rouge. Je n’ai pas le moral. Les réseaux sociaux me rappellent à quel point je suis triste et seule. Cette période est grise dans ma tête. Je me mets alors à peindre avec le matériel que j’ai reçu pour Noël. Je peins des formes, des couleurs, je ne sais pas vers quoi je vais mais c’est très coloré. J’appelle mon œuvre « Supernova ». Et ce que je sais, c’est que j’ai adoré ce moment de peinture.

Depuis ce jour-là, je n’ai plus arrêté de dessiner, peindre, créer. J’écrivais aussi beaucoup. Je me suis mise à lire plein de choses mais surtout de la philosophie. J’ai compris que le monde m’inspire, que les gens et leurs histoires m’inspirent. Je voulais faire sortir ma haine, je voulais qu’elle disparaisse. Je retrouvais le sourire, la joie. J’ai changé de travail et j’ai été engagée dans la boîte de transports de mon meilleur ami. Nous avons travaillé trois ans et demi main dans la main dans le même bureau. Il adorait l’art et nous nous inspirions mutuellement sur le sujet. Il m’encourageait à créer. Je travaillais midi, soir et week-end sur des projets pour moi et pour des clients : illustrations, tableaux, fresques…

J’avais cette idée un jour de vivre de mon art. Et puis c’est arrivé. Je ne fais pas que de la peinture : j’aime aussi le graphisme, l’écriture, l’entrepreneuriat.
Mais grâce à la peinture, j’ai réussi à créer un monde qui me rend heureuse. Parce que tous les jours, je vois mes couleurs : elles me font du bien, elles me rassurent. Parce que quand je regarde la nature, je suis émerveillée et je veux capturer sa beauté. Et surtout, lorsque je suis sur mes projets, je ne pense à rien d’autre qu’à les élaborer et les faire grandir. Je ne suis concentrée que sur cela. Coupée du monde réel, mais bien présente dans celui que je crée. L’art me soigne, ne me fait plus jamais sentir mal, triste ou seule. Il me nourrit, aussi, parce qu’il y a tellement de choses à apprendre.
Je cherche mon style, mais je sais déjà que j’aime certaines couleurs en particulier : le vert, le bleu, le violet et le rose. Parfois, je me dis que ce n’est pas grave si je veux faire des styles différents. Il faut chercher, il faut pratiquer, et un jour, on fait quelque chose qui résonne comme une évidence. Ma signature est graphique et ma palette expressive, pensée pour frapper l’œil et rester en mémoire. La couleur est mon langage émotionnel. Je crée des scènes qui figent des instants forts, des souvenirs. Je veux donner à mon travail une force de transmission et d’émotions positives. Je suis persuadée que les arts, en général, peuvent aider sur des aspects dont nous sommes tous victimes : anxiété, stress, trauma, hyperactivité… Il suffit juste de les intégrer à nos vies et de concentrer notre énergie sur ce qui nous fait du bien. Écouter une musique que l’on adore, écrire, lire, regarder un bon film… Toutes ces choses nous aident à façonner notre esprit, nous permettent de nous échapper et surtout, elles nous inspirent. Que cela inspire du bien-être, de la joie, de l’amour ou des idées, c’est pareil. C’est pour cela que je peins, que je crée. Pour continuer de m’inspirer de toutes ces choses et, si possible, inspirer encore plus de monde autour de moi. Transmettre des messages de paix et d’amour.
J’aime aussi avoir d’autres projets à travers le graphisme, les fresques, l’écriture d’un podcast sur la vie d’artistes peintres depuis la préhistoire, et beaucoup d’autres choses qui, peut-être un jour, prendront plus de place. Je pense toujours que tout ce que nous réalisons dans notre présent est la conséquence de ce que nous serons dans notre futur. Alors faites entrer l’art dans vos vies : il s’écoute, se regarde, se partage, se ressent et il se crée dans votre esprit autant que pour moi lorsque je peins.

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